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COLLABORATION ENTRE LES DIVERS INTERVENANTS :
PRATIQUES EXEMPLAIRES ET LEÇONS RETENUES DE LA PANDÉMIE

Déclaration du Comité d’action

Notre comité existe afin d’appuyer les tribunaux canadiens tandis qu’ils adaptent leurs activités pour répondre aux incidences de la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de son mandat, le Comité élabore des orientations pour relever les défis et souligne des possibilités et des pratiques novatrices pour moderniser les activités judiciaires et améliorer l’accès à la justice pour les usagers des tribunaux.

CONTEXTE

Depuis le début de la pandémie, les tribunaux canadiens administrent la justice dans un contexte marqué par des défis sans précédent. Ce faisant, ils ont constaté que la collaboration avec une grande variété d’intervenants est avantageuse pour la prise de décisions éclairées et la prestation de services. Ces partenariats ont aidé les tribunaux à être mieux informés et plus créatifs et, en fin de compte, à favoriser l’accès à la justice pour tous. En songeant à l’avenir, nous constatons que les tribunaux demeurent confrontés à bien des difficultés qui existaient avant la pandémie, ainsi qu’aux effets persistants des perturbations causées par la pandémie de COVID-19. Pour surmonter ces difficultés qui perdurent et les nouvelles difficultés qui surviendront, il sera essentiel d’entretenir les relations qui ont été nouées ou renforcées depuis le début de la pandémie et, au cours des prochaines années, d’en établir de nouvelles.

La présente fiche-conseil vise à recenser les leçons apprises émanant de consultations effectuées auprès de la magistrature et d’autres intervenants du secteur de la justice en matière de collaboration efficace dans le cadre des activités judiciaires, afin que les gains d’efficacité obtenus puissent continuer d’orienter les efforts des tribunaux pour réduire les engorgements et les délais judiciaires, et améliorer ainsi l’accès à la justice. Cette fiche-conseil s’appuie sur les principes d’orientation du Comité d’action et sur son répertoire de pratiques prometteuses visant à réduire les engorgements et les délais judiciaires, particulièrement sur le cinquième principe (encourager et structurer la collaboration entre les divers intervenants) et sur le onzième (partager ou mettre en commun les ressources judiciaires).

Bien que nous reconnaissions que l’avis des usagers finaux des tribunaux constitue un élément essentiel d’une réforme efficace, la présente fiche-conseil s’appuie principalement sur les leçons tirées du contexte de la pandémie de COVID-19. Il en est ainsi, car de nombreuses initiatives en la matière étaient axées sur la collaboration entre les tribunaux et d’autres intervenants professionnels ou institutionnels (et non sur les usagers finaux), et la présente fiche-conseil représentera cette réalité. Toutefois, bon nombre des leçons et des pratiques exemplaires présentées en l’espèce peuvent s’adapter à des partenariats avec un plus grand nombre d’intervenants, y compris les usagers finaux des tribunaux.

1. LA NÉCESSITÉ DE TRAVAILLER DE CONCERT

Bien que de nombreux tribunaux offraient déjà des services en collaboration avec des partenaires gouvernementaux et échangeaient déjà avec des professionnels du droit par le truchement de comités de magistrats et d’avocats, les perturbations aux activités judiciaires causées par la pandémie de COVID-19 ont souligné l’importance et l’utilité de ces partenariats et ont donné lieu à de nouvelles façons de travailler ensemble. L’étroite coopération entre la magistrature et les ministères responsables de la justice était nécessaire pour accélérer le passage aux audiences virtuelles et établir les protocoles permettant la tenue d’audiences en personne en toute sécurité. La protection de la santé et de la sécurité du public et du personnel des tribunaux a nécessité de nouvelles relations entre les tribunaux et les professionnels de la santé publique. De même, la contribution des professionnels du droit et d’autres professionnels œuvrant dans les tribunaux était essentielle pour trouver et mettre en œuvre des solutions viables visant à adapter les procédures judiciaires pour alléger les pressions liées à la pandémie.

2. L’INDÉPENDANCE DE LA MAGISTRATURE DANS UN SYSTÈME DE JUSTICE INTERDÉPENDANT

Comme l’a souligné le Conseil canadien de la magistrature dans ses Principes de déontologie judiciaire, l’indépendance de la magistrature est indispensable à l’exercice d’une justice impartiale sous un régime de droit. La protection de cette indépendance devrait donc orienter toute mesure concernant la collaboration entre les tribunaux et des partenaires. Cependant, de nombreux intervenants autres que la magistrature – y compris les administrateurs des tribunaux, l’administration, les professionnels du droit et la société civile – jouent aussi un rôle important dans les mesures visant à soutenir l’accès à la justice. Bien que toujours présente, cette interdépendance prend toute son importance quand s’imposent des tâches complexes, comme tenir compte de facteurs de marginalisation transversaux qui pourraient nuire davantage à l’accès à la justice, ou encore comprendre les perturbations majeures au fonctionnement normal comme celles qu’a causé la pandémie de COVID-19. Dans cet ordre d’idées, la pandémie a poussé de nombreux tribunaux au Canada à s’appuyer davantage sur des relations existantes et à en créer de nouvelles avec des intervenants non judiciaires. En très grande majorité, les tribunaux et d’autres acteurs du secteur de la justice ont indiqué que l’expérience acquise pendant la pandémie avait prouvé que dans un esprit de respect mutuel, il est à la fois possible et avantageux pour la magistrature de travailler en collaboration avec une grande variété d’autres intervenants tout en conservant son pouvoir essentiel sur la prise de décisions judiciaires et administratives.

3. PRINCIPAUX AVANTAGES DE LA COLLABORATION ENTRE LES DIVERS INTERVENANTS DANS LE FONCTIONNEMENT DES TRIBUNAUX

L’expérience qu’ont vécue les tribunaux et les autres organisations du système de justice démontre les nombreux avantages de la collaboration : elle permet d’assurer la prestation de services de meilleure qualité aux usagers des tribunaux, de partager plus efficacement les ressources et de voir si les modifications prévues aux procédures et aux processus judiciaires fonctionneront pour tous les intervenants touchés.

3.1 Amélioration de la qualité des services

Le premier avantage de la collaboration réside dans l’amélioration de la qualité, ce qui comprend la portée et l’accessibilité, des services de justice et des mesures de soutien connexes. Cela peut mener à des résultats, sur le plan de la justice, qui sont non seulement meilleurs, mais aussi plus durables. Tout d’abord, de nombreuses personnes qui ont des démêlés avec la justice ont d’autres problèmes connexes nécessitant des interventions des services sociaux; les tribunaux ayant établi de solides partenariats peuvent aiguiller ces personnes vers les services extrajudiciaires pouvant s’attaquer aux causes fondamentales de leurs problèmes et réduire ainsi les recours au litige ou limiter la portée de tels recours. En outre, les tribunaux peuvent jouer un rôle essentiel dans la promotion de l’accès équitable au système de justice formel en mettant en contact les justiciables et les organismes qui peuvent leur venir en aide et leur fournir des conseils juridiques. En établissant un lien direct entre leurs services et les tribunaux, les fournisseurs de services sociaux et juridiques bénéficient d’un mécanisme additionnel pour joindre les communautés qu’ils servent, tandis que les usagers finaux peuvent obtenir un accès plus simple et plus rapide à ces services.

  • Les tribunaux qui ont de solides relations avec des organismes gouvernementaux ou des organismes de la société civile peuvent aiguiller les particuliers vers des services aptes à mieux répondre à leurs besoins. Par exemple, de nombreux tribunaux de la famille renvoient les justiciables vers des services certifiés de règlement extrajudiciaire des différends, qui sont gérés par des organismes gouvernementaux ou non gouvernementaux.
  • De même, les tribunaux qui travaillent en étroite collaboration avec des fournisseurs de services juridiques peuvent venir en aide aux justiciables qui ont besoin de conseils ou de renseignements de nature juridique. De nombreux exemples de cette collaboration qu’entretiennent les tribunaux canadiens se trouvent dans la fiche-conseil sur l’application de l’énoncé de principes du Conseil canadien de la magistrature concernant les plaideurs et les accusés non représentés par un avocat dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
  • Les carrefours de la justice offrant un guichet unique vers une variété de services judiciaires, juridiques et sociaux, comme le Service de règlement des litiges familiaux du Manitoba, peuvent permettre aux justiciables d’accéder plus facilement et plus rapidement à des services de soutien en vue de prévenir, de réduire ou de régler leurs conflits juridiques.
  • Pour s’attaquer aux causes fondamentales de la criminalité, les programmes des tribunaux spécialisés aiguillant les justiciables vers des services de santé et de soutien social, comme le Programme de renvoi au Tribunal de la santé mentale de la Nouvelle-Écosse ou le Programme d’accompagnement justice et santé mentale du Québec, peuvent contribuer à réduire le taux de récidive et à promouvoir la réinsertion sociale.

Pour obtenir d’autres exemples de solutions adoptées par les tribunaux, veuillez consulter le répertoire de pratiques prometteuses du Comité d’action pour réduire les engorgements et les délais judiciaires, plus précisément le cinquième principe : encourager et structurer la collaboration entre les divers intervenants.

3.2 Amélioration de l’affectation des ressources

La collaboration procure un autre avantage, à savoir la capacité à partager des ressources au‑delà des frontières géographiques et des limites de compétence. Tout au long de la pandémie, dans de nombreuses administrations, les dirigeants des tribunaux de différentes juridictions ont renforcé leurs relations de travail. Cette coopération a permis aux cours d’appel, aux cours supérieures, ainsi qu’aux cours provinciales et territoriales d’apprendre les unes des autres, d’harmoniser leurs méthodes de modification des règles et des procédures, lorsque cela était approprié, et de coordonner leur travail avec celui du ministère responsable de la justice afin d’instaurer des mesures de santé publique, d’ententes de travail à distance, et d’audiences à distance dans les tribunaux.

En outre, les tribunaux de différentes juridictions dans la même administration et les tribunaux de même juridiction dans différentes régions ont trouvé de nouvelles façons de mettre en commun leurs ressources collectives et de les réaffecter rapidement pour s’adapter à l’évolution des besoins ou pour répondre à de nouveaux besoins tandis que la pandémie continuait d’engendrer des défis nouveaux et inattendus.

  • Pendant la fermeture temporaire de districts judiciaires régionaux en raison de la pandémie de COVID-19, les processus virtuels adoptés par la Cour du Banc du Roi de l’Alberta ont facilité la mobilité entre les régions et ont permis aux juges et aux membres du personnel des tribunaux d’offrir des services dans des régions élargies, particulièrement dans les communautés mal desservies et dans les localités aux prises avec une augmentation du nombre de litiges.
  • À l’Île-du-Prince-Édouard, des pratiques novatrices et coordonnées en matière de fixation d’audiences ont aidé les tribunaux de différentes juridictions partageant des installations ou la bande passante à utiliser efficacement les ressources limitées.
  • À la Cour supérieure du Québec, des juges à la retraite et des juges surnuméraires de différentes régions ont été affectés, au besoin, à la supervision de certains processus préliminaires, comme la résolution judiciaire des différends.
  • À l’échelle nationale, des juges de partout au Canada ont déclaré qu’ils avaient été en mesure de s’appuyer de manière informelle sur leurs réseaux pour trouver, dans une autre localité ou administration, des mesures de soutien, comme des installations pouvant accueillir des témoins de l’extérieur de la province qui participaient à une instance à distance, par exemple.

Pour obtenir des détails et des exemples supplémentaires, veuillez consulter le répertoire de pratiques prometteuses pour réduire les engorgements et les délais judiciaires, plus précisément le onzième principe : partager ou mettre en commun les ressources judiciaires.

3.3 Amélioration de la rétroaction sur les processus judiciaires

Enfin, l’un des meilleurs moyens dont disposent les tribunaux pour s’assurer que leurs processus répondent aux besoins des usagers consiste à discuter de façon anticipée et souvent avec les intervenants. Lorsqu’il était nécessaire de modifier le fonctionnement des tribunaux rapidement en raison de la pandémie, de nombreux tribunaux au Canada ont mis à profit les relations qu’ils entretenaient avec des professionnels du droit, soit par l’entremise de structures officielles comme les comités de la magistrature et des barreaux, soit par celle de réseaux informels. Ces relations ont permis aux tribunaux de vérifier si les pratiques proposées pouvaient fonctionner sur le terrain et elles ont encouragé les intervenants à donner une rétroaction constante pour relever les problèmes et ajuster les processus en cours de route.

  • La Cour d’appel de l’Ontario a créé deux comités spéciaux avec des avocats spécialisés en droit civil et en droit pénal afin de recueillir des commentaires et des points de vue sur les procédures judiciaires liées à la pandémie, notamment de nouveaux protocoles et de nouvelles directives de pratique.
  • Des pratiques exemplaires ont été élaborées par le Groupe de travail de l’Ontario sur les audiences virtuelles, qui a été mis sur pied pour aider les juges et les avocats à tenir des audiences à distance. Le groupe de travail était composé de l’Association du Barreau de l’Ontario, de la Société des plaideurs, de la Fédération des associations du Barreau de l’Ontario et de l’Ontario Trial Lawyers’ Association, en collaboration avec la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Les membres du Groupe de travail sur les audiences virtuelles comprennent des personnes possédant d’importantes connaissances techniques liées aux audiences virtuelles et des avocats de toutes les régions judiciaires provenant d’une grande variété de domaines de pratique, y compris des plaideurs en droit civil, criminel, familial et du secteur public.
  • Les cours fédérales ont eu recours aux comités de liaison entre la magistrature et les barreaux qui existaient déjà pour discuter des enjeux relatifs à la pratique et aux procédures qui se sont posés dans le contexte de la pandémie, donnant aux membres des comités l’occasion de formuler des commentaires sur des directives préliminaires.

En plus de favoriser les communications mutuelles avec les barreaux, les tribunaux peuvent améliorer leur capacité à offrir des services à la population en diversifiant les intervenants avec lesquels ils collaborent. Les comités multipartites de modernisation et d’accès à la justice établis avant la pandémie ont réussi à s’adapter afin de surmonter les difficultés propres aux restrictions touchant le fonctionnement des tribunaux dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Dans les cas où de tels réseaux existaient déjà, les tribunaux n’ont pas eu besoin de créer de nouveaux forums pour obtenir l’avis des services de police, des procureurs, des avocats du secteur privé, de la société civile et d’autres partenaires clés en vue de tracer la voie à suivre pour s’adapter à la pandémie. D’autres tribunaux ont établi de nouveaux comités consultatifs ou groupes de travail pour examiner les activités liées à la pandémie.

  • Avant la pandémie, Terre-Neuve-et-Labrador a établi un comité directeur sur l’accès à la justice. Ce comité est composé de représentants de tribunaux de toutes les juridictions, des services de police, d’organismes sans but lucratif, ainsi que de procureurs et d’avocats du secteur privé. Un sous-comité créé dans l’objectif de promouvoir les cliniques d’aide juridique pour les justiciables non représentés par un avocat a pu examiner cette question dans le contexte de la pandémie.
  • Tout au long de la pandémie, le Comité de modernisation du système de justice pénale de la Cour de justice de l’Ontario a contribué à favoriser la collaboration entre les intervenants pour cerner les problèmes essentiels et assurer la prise de décisions rapides. Ce comité regroupe des représentants de la magistrature, des procureurs de la Couronne et des avocats de la défense, des services judiciaires, des services policiers et correctionnels, et plus récemment, du Secrétariat de la reprise du ministère du Procureur général. Ce modèle a été reproduit à l’échelle régionale, et des réunions avec la magistrature et les membres du barreau ont été tenues pour veiller à ce que les interventions locales soient adaptées aux besoins locaux.

La réponse à la pandémie a également permis de renforcer les relations de façon durable, et des dirigeants judiciaires partout au pays ont déclaré que le travail qu’ils ont accompli en collaboration avec des partenaires gouvernementaux pour réagir à la pandémie de COVID‑19 a consolidé leur relation avec ceux-ci. Par exemple, il était essentiel que les tribunaux et les ministères responsables de la justice et de la sécurité publique travaillent en étroite collaboration pour assurer le bon fonctionnement des tribunaux et l’intégration des services judiciaires avec d’autres services connexes, allant des services de police aux services correctionnels, en passant par les programmes de règlement extrajudiciaire des différends que gère le gouvernement.

4. PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE LA COLLABORATION RÉUSSIE ENTRE LES DIVERS INTERVENANTS

Les relations qui ont été établies ou approfondies en cette période de crise aiguë peuvent améliorer la capacité des tribunaux à offrir en temps utile des services de justice accessibles à long terme, à condition que ces relations continuent d’être entretenues. À titre d’exemple d’un modèle réussi de collaboration multipartite dans les tribunaux, voir l’annexe : Collaboration en action – Comité de l’accessibilité des tribunaux de l’Ontario.

4.1 Créer des relations et les renforcer

Pour assurer la réussite d’une collaboration, il faut faire en sorte que les intervenants concernés travaillent de concert pour atteindre un objectif commun. Pendant la pandémie, la magistrature, les membres du personnel des tribunaux, les ministères responsables de la justice, les professionnels du droit et du secteur de la justice, la société civile, les autorités sanitaires et les autorités responsables de la santé et de la sécurité au travail ont mis leurs efforts en commun pour maintenir l’accès aux tribunaux et aux services de justice tout en protégeant la santé et la sécurité des usagers et des membres du personnel des tribunaux.

Dans leur réflexion sur l’avenir de leur réseau croissant de partenaires, notamment sur la numérisation et la modernisation, les tribunaux et d’autres intervenants du secteur de la justice pourraient tenir compte des questions suivantes.

  • Quel est l’objectif de la collaboration?

Il est essentiel d’avoir une vision claire de ce que les intervenants espèrent accomplir grâce à leur partenariat. Prendre le temps de formuler l’objectif prépondérant de la collaboration contribue à réunir les bonnes personnes et à orienter leurs efforts communs. Le fait d’établir d’emblée les objectifs de la collaboration peut également favoriser l’intégration des principes clés—comme l’articulation des efforts de réforme autour des usagers des tribunaux et l’amélioration de l’accès à la justice—dans projets sur lesquels les intervenants travailleront de concert. Des objectifs clairement définis aideront également à élaborer un cadre de référence pour mesurer l’atteinte de ces objectifs.

  • Quelles sont les voix qui ne sont pas entendues?

Lorsqu’ils nouent des relations visant à soutenir les décisions opérationnelles, les tribunaux pensent souvent d’abord aux autres professionnels du secteur de la justice, comme les professionnels du droit, les policiers et le ministère responsable de la justice. En effet, il est plus difficile de tenir compte des voix des usagers finaux dans le processus décisionnel, particulièrement ceux qui sont marginalisés ou surreprésentés dans le système judiciaire. Pour pallier cette situation, les tribunaux pourraient songer aux personnes touchées par leurs décisions et trouver des moyens de veiller à ce que leurs points de vue soient entendus à toutes les étapes importantes de leur démarche visant à moderniser et à améliorer leurs processus pour répondre aux besoins des usagers. Selon la situation, cet objectif peut être atteint en communiquant directement avec les personnes ayant une expérience vécue ou par l’entremise d’organismes juridiques et communautaires qui servent ces populations

En particulier, pour intégrer les points de vue des Autochtones et des communautés racialisées, il peut être nécessaire d’avoir recours à des consultations et à des partenariats adaptés sur le plan culturel. Voici quelques exemples :

  • Comment les partenaires peuvent-ils faire preuve de créativité pour concrétiser une vision commune?

En articulant une vision commune, en faisant le point sur les ressources à leur disposition et en coordonnant l’accès à ces ressources, les tribunaux peuvent travailler avec leurs partenaires pour atteindre leurs objectifs. Par exemple, le fait de réunir des services sociaux et des services juridiques essentiels dans un palais de justice ou un carrefour désigné peut aider les personnes ayant besoin de ces services à y accéder rapidement.

4.2 Structurer les partenariats

La réussite de la collaboration repose aussi sur des partenariats structurés, bien que le niveau de formalité optimal dépende d’une variété de facteurs. Les relations informelles peuvent être efficaces pour assurer un échange continu de renseignements entre les intervenants du secteur de la justice et elles ont été très avantageuses pour les tribunaux qui avaient déjà établi de telles relations lorsqu’au frappé cette pandémie imprévue. Les relations informelles se sont avérées efficaces pour faciliter la collaboration entre les différentes régions et les tribunaux de différentes juridictions qui disposaient de réseaux de communication bien établis, ainsi qu’entre les tribunaux et les barreaux dans les petites administrations ou localités. Cependant, les relations informelles reposent souvent sur des liens individuels, et il peut être plus difficile de les maintenir efficacement dans les grands centres, les contextes multipartites ou les secteurs où le taux de roulement est élevé. Par conséquent, une structure plus officielle établissant clairement les rôles et les responsabilités peut faciliter le maintien de partenariats complexes à long terme.

4.2.1 Facteurs clés

  • Dans leur réflexion sur la structure de leur partenariat, les tribunaux et les intervenants du secteur de la justice pourraient tenir compte des facteurs suivants. Quelle est l’ampleur des changements envisagés?

Pour une relation qui vise principalement à accroître l’échange de renseignements, sans autre objectif, il n’est peut-être pas nécessaire de formuler un mandat détaillé énonçant les responsabilités respectives des parties. Cependant, pour une collaboration visant à élaborer un nouveau processus qui touchera ou englobera les activités de différents partenaires, il peut être nécessaire d’établir une structure officielle. Par exemple, le projet pilote sur la remise en liberté provisoire dans les régions du Nord et de l’intérieur mené récemment par la Cour provinciale de la Colombie-Britannique a des répercussions sur les activités quotidiennes des tribunaux, des procureurs, des services policiers, des services correctionnels, de l’aide juridique et d’autres intervenants. Ainsi, la structure du projet a été établie pour faire en sorte que tous les intervenants puissent travailler de concert afin de veiller à ce que les conditions préalables nécessaires au changement soient réunies.

D’autres conseils sur la façon de mobiliser les partenaires dans le contexte d’initiatives visant à apporter des changements importants se trouvent dans les Principes d’orientation relatifs au leadership et à la gestion du changement du Comité d’action.

  • Quel est le niveau de complexité de l’initiative?

En général, les initiatives complexes nécessitent davantage une collaboration structurée. Si l’objectif de la collaboration est de mettre en œuvre une initiative complexe, il sera probablement utile de disposer d’un plan de projet traitant de différentes questions, comme l’objectif de l’initiative, l’échéancier proposé, les ressources nécessaires, la méthode de mesure du rendement, ainsi que les rôles de chaque partenaire et de chaque autorité décisionnelle.

Même dans une simple relation d’échange de renseignements, il peut être utile d’avoir des mécanismes de communication structurés pour faciliter la communication rapide ou continue de renseignements. Ces mécanismes peuvent comprendre, par exemple, des bulletins d’information ou des réunions sur une base récurrente, tandis que des communications informelles, comme des courriels, des discussions par téléphone ou des séances de clavardage peuvent être suffisantes dans des situations simples.

Voici des éléments augmentant la complexité du partenariat. Leur présence est un signe que l’élaboration d’une structure officielle peut être nécessaire :

  • le nombre d’autorités décisionnelles concernées;
  • la nécessité d’obtenir un financement ou un investissement en ressources humaines important ou continu;
  • le nombre et le type de partenaires concernés, y compris toutes les priorités concurrentes ou en évolution qui pourraient, de façon prévisible, avoir une incidence sur la capacité des partenaires à participer;
  • la portée principale du projet et sa durée;
  • la portée géographique du partenariat;
  • les effets possibles sur l’accès à la justice ou les droits fondamentaux.

Comme le Comité d’action l’a conclu dans son rapport sur l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur les tribunaux spécialisés, le manque de structures formelles a été une difficulté importante pour de nombreux tribunaux et leurs partenaires de programme qui tentaient de s’adapter aux perturbations découlant de la pandémie. Les programmes des tribunaux spécialisés qui avaient une structure de partenariat formelle, comme le Comité directeur des programmes des tribunaux du mieux-être pour les programmes offerts à la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse, étaient plus en mesure d’atténuer les effets de la pandémie sur leurs activités.

  • Quelle est la nature de la relation entre les partenaires?

Si les parties ont déjà travaillé ensemble, elles peuvent être à l’aise de le faire de façon informelle. Cependant, même pour des questions relativement simples, il se peut qu’avant d’établir une relation, un tribunal souhaite discuter des attentes et des rôles respectifs, et préparer une entente écrite, un rapport ou un énoncé précisant ce qui a été discuté.

En outre, il peut être judicieux d’officialiser au moyen d’une entente écrite les relations qui ont commencé de façon informelle en vue d’assurer leur continuité et le transfert de connaissances liées aux processus organisationnels au cas où les personnes qui les ont établies cessent d’occuper leurs fonctions. Les relations entre les différents organismes – par exemple, entre différents niveaux de cour ou entre les tribunaux et les ministères –peuvent naître grâce aux liens unissant deux personnes, mais il est avantageux d’instaurer une structure pour assurer la durabilité de ces relations lorsque ces personnes n’occuperont plus leurs rôles respectifs.

4.2.2 Approches et outils opérationnels

Des outils opérationnels, comme des mandats, des protocoles, des cadres de travail ou des protocoles d’entente peuvent contribuer grandement à préciser la portée d’une relation de collaboration. Voici des éléments faisant souvent partie de ces ententes :

  • les objectifs du partenariat;
  • les personnes qui participeront au partenariat et le rôle qu’elles joueront;
  • les fins auxquelles les renseignements obtenus dans le cadre du partenariat pourront être utilisés;
  • les attentes quant au temps et aux ressources que chaque partenaire consacrera au partenariat;
  • le mode de financement des travaux à effectuer dans le cadre du partenariat;
  • comment les progrès pour atteindre l’objectif commun des partenaires seront mesurés;
  • le pouvoir décisionnel de chaque partenaire et le mode de règlement des différends, le cas échéant.

Au Canada, bon nombre de tribunaux ont conclu des protocoles d’entente avec le ministère responsable de la justice. Ces ententes précisent les responsabilités et les rôles respectifs des organisations, les méthodes de communication entre la magistrature et le ministère, ainsi que certains points, comme la fourniture de technologies de l’information et d’autres services de soutien. Voir les exemples suivants :

De plus, le Conseil canadien de la magistrature, qui est composé de tous les juges en chef et juges en chef adjoints nommés par le gouvernement fédéral au Canada, a conclu un protocole d’entente avec le ministre fédéral de la Justice concernant la gouvernance du Conseil canadien de la magistrature et la formation continue des juges des cours supérieures.

En outre, des programmes ou des projets ciblés dont la mise en œuvre dépend de différents partenaires s’appuient souvent sur des cadres écrits. Voir les exemples suivants :

En plus de consigner leurs intentions, certains partenariats multipartites consignent leurs processus et leurs activités en continu pour les membres partenaires et d’autres intervenants. Par exemple, le Comité de liaison entre la magistrature des Cours fédérales et le barreau prépare un compte rendu des réunions ainsi que des observations écrites et des résolutions, auxquelles ont accès les membres du Comité. Ce type de document permet de conserver un historique des réalisations du partenariat et favorise une compréhension commune des décisions prises et des prochaines étapes à suivre.

Enfin, plus un projet de partenariat est complexe, plus il peut être nécessaire d’établir différents comités ou groupes de travail pour en assurer le bon fonctionnement. Des exemples se trouvent dans la feuille de route du Comité d’action sur la mise en liberté provisoire en mode virtuel. Cette publication dresse la liste de différents organismes qui pourraient soutenir un projet de mise en liberté provisoire en mode virtuel, dont les suivants : un comité directeur responsable de surveiller la mise en œuvre; une équipe de gestion de projet responsable de gérer la direction du projet au quotidien; un comité de travail composé d’experts en la matière de chaque secteur d’activité touché; des sous-comités techniques appropriés pour traiter de différentes questions, comme les installations technologiques, l’incidence sur les infrastructures et l’évaluation du projet.

ANNEXE

Collaboration en action : le Comité d’accessibilité aux tribunaux de l’Ontario

1. Objet et contexte

En 2007, en réponse aux recommandations d’un Comité spécial pour le plein accès des personnes handicapées aux tribunaux de l’Ontario (rapport Weiler, 2006), le Comité d’accessibilité aux tribunaux de l’Ontario (CATO) a été constitué. Ce comité à vocation permanente a pour mandat de superviser les progrès vers un système judiciaire accessible aux personnes ayant un handicap.

En 15 ans d’activité, le CATO s’est bien implanté dans l’écosystème des activités judiciaires de l’Ontario. Son modèle structuré et inclusif de collaboration multilatérale contribue énormément à favoriser la prise en compte plus rapide et exhaustive des facteurs d’accessibilité pertinents à l’étape de conception des projets du secteur de la justice en Ontario.

L’un des principaux avantages du CATO est sa capacité d’agir comme point de convergence pour recueillir de la rétroaction sur les enjeux d’accessibilité liés aux réformes judiciaires projetées en Ontario. Par exemple, au cours de la pandémie de COVID‑19, l’ancien Secrétariat de la reprise du ministère du Procureur général – soit l’unité chargée de soutenir la continuité des activités judiciaires – a consulté le CATO sur l’effet éventuel des mesures prévues de santé et de sécurité sur les usagers des tribunaux en situation de handicap.

2. Le CATO : Qui le composent et que font-ils?

2.1 Mandat et portée du travail

Le CATO a pour mandat de fournir des conseils stratégiques et d’assurer la surveillance du système judiciaire, et ce, en vue d’assurer l’accessibilité des tribunaux en Ontario, notamment par la mise en œuvre des recommandations du rapport Weiler. Conformément à ce mandat, le CATO sert de forum de consultation pour les experts en accessibilité et les usagers des tribunaux, y compris les personnes handicapées et les organisations qui leur fournissent des services ou qui défendent leurs intérêts.

Bien que le CATO n’ait pas de pouvoir décisionnel, la diversité de ses membres et sa longévité lui permettent de formuler des recommandations convaincantes pour les décideurs. De plus, l’élément de surveillance expressément énoncé dans son mandat lui permet d’influencer les activités judiciaires de façon plus concrète que s’il n’avait qu’une fonction consultative.

2.2 Composition

Conformément au cadre de référence du CATO, ses membres permanents comprennent des représentants :

  • de la magistrature provenant des trois niveaux de tribunaux en Ontario (y compris des juges de paix de la Cour de justice de l’Ontario);
  • du Barreau de l’Ontario, de l’Association du Barreau de l’Ontario et des doyens des facultés de droit de l’Ontario;
  • de la haute direction du gouvernement de l’Ontario;
  • des organismes de la société civile et des associations de défense de droits et d’intérêts – y compris des services juridiques communautaires – qui ont de l’expérience en matière de questions d’accessibilité des personnes ayant des troubles de la communication ou du développement, des troubles auditifs ou un trouble de santé mentale.

Son cadre de référence confère également au CATO le pouvoir discrétionnaire d’inclure d’autres organisations.

Le CATO compte actuellement dans ses rangs les organismes communautaires suivants :

Enfin, l’un des éléments clés de sa capacité à influencer les décideurs tient au fait que le CATO compte parmi ses membres des champions provenant d’échelons hiérarchiques élevés, tant au sein du pouvoir judiciaire que du pouvoir exécutif du gouvernement provincial. Ce soutien de haut niveau est expressément prévu dans son cadre de référence, selon lequel le Comité doit être coprésidé par un juge de la Cour d’appel de l’Ontario et par le sous-procureur général adjoint de la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général.

2.3 Fonctionnement

Le CATO est régi par son cadre de référence, qui traite de son mandat, de la portée de son travail, de sa composition et des modalités relatives aux réunions.

Le CATO se réunit tous les trois mois. Son cadre de référence prévoit des réunions en personne, mais offre également une certaine flexibilité aux coprésidents pour organiser des réunions combinant la participation en personne ou par conférence téléphonique ou vidéo. Le début de la pandémie a entraîné le passage des réunions en personne aux réunions virtuelles, ce qui s’est poursuivi jusqu’à présent. Afin que les membres disposent d’un compte-rendu officiel de leurs discussions, le procès-verbal de chaque réunion est préparé par le secrétariat et distribué aux fins de vérification avant la réunion suivante, puis officiellement approuvé au début de celle-ci.

Lorsque le CATO souhaite examiner une question ou un projet plus en détail, un sous-comité spécial est formé. Les sous-comités font partie intégrante du travail du CATO. Les domaines d’études comprennent des projets dirigés par le Comité, par exemple l’élaboration d’orientations sur l’usage d’un langage clair et simple à l’intention des tribunaux. D’autres sous-comités soutiennent des initiatives plus vastes liées au rôle de prestation de conseils et de surveillance du CATO, comme le fait de siéger au comité de coordination de l’accessibilité pour un projet majeur de construction d’un palais de justice à Toronto.

Au sein du ministère du Procureur général, l’Unité de la planification des ressources humaines et de la planification stratégique de la direction du soutien interne offre un appui administratif qui comprend l’organisation de réunions, le suivi des questions soulevées, la coordination des sous-comités, et le fait de veiller à ce que les membres disposent des documents nécessaires dans un format accessible.

3. LEÇONS RETENUES

Depuis le début de ses activités, le CATO constate qu’il peut être particulièrement utile aux tribunaux de l’Ontario lorsqu’il est consulté dès les premières étapes de la conception de projets importants. À cet égard, les membres notent que les interactions avec les personnes qui conçoivent ou dirigent les projets au sein des tribunaux sont plus fructueuses lorsque suffisamment de temps est prévu pour le dialogue. C’est ce dialogue ouvert qui permet aux membres du CATO d’élaborer et de présenter des recommandations réellement susceptibles d’améliorer les propositions qu’ils sont appelés à examiner.

En 2020, le CATO a mis à jour son cadre de référence pour lui permettre d’accroître sa composition en ajoutant un plus grand nombre d’organismes communautaires. Auparavant, les membres représentaient principalement le milieu juridique et comprenaient seulement quelques organismes. Les organismes communautaires demandaient aux avocats faisant partie de leur personnel de participer aux travaux du comité. Le nombre de membres a été accru dans le but d’inclure différents types d’organisations de personnes présentant des handicaps afin d’avoir un aperçu plus large des questions d’accessibilité.

Le CATO a mis sur pied un sous-comité pour examiner sa composition et évaluer comment accroître la représentation de ses membres. Cette initiative a permis d’ajouter à l’effectif existant sept nouveaux membres issus de différents horizons en matière d’accessibilité et de droit. Ainsi, CATO a pu s’assurer que, lorsqu’il examine des enjeux, divers points de vue d’accessibilité sont envisagés.

La principale leçon retenue est que d’avoir un large éventail d’experts en accessibilité aide à cerner les obstacles et les solutions à l’accessibilité dans le système de justice.

Le fait que les coprésidents du comité sont un juge de la Cour d’appel de l’Ontario et le sous-procureur général adjoint de la Division des services aux tribunaux du ministère a été essentiel pour répondre aux obstacles à l’accessibilité. Les coprésidents gardent le comité sur la bonne voie et disposent de l’influence nécessaire pour faire avancer son programme.

Les membres du comité sont déterminés à en améliorer l’accessibilité. Bien que chaque membre en reconnaisse l’importance, il peut être difficile de maintenir l’engagement des membres et de fournir du contenu utile pour les réunions, car il incombe habituellement au ministère d’établir les ordres du jour des réunions. L’augmentation du nombre de membres a également apporté des idées et des voix nouvelles ainsi que de nouveaux champs d’intérêt au sein du comité.

4. Travaux à venir

Comme il le fait depuis 15 ans, le CATO continuera de collaborer avec le gouvernement et les responsables du système judiciaire en vue d’améliorer l’accès des personnes handicapées aux tribunaux. Pour accroître l’efficacité du CATO dans la réalisation de son mandat, les membres espèrent augmenter leur capacité à intégrer à leur travail les points de vue provenant directement des usagers des tribunaux, et ils souhaitent aussi trouver des moyens de mieux conscientiser les intervenants du système de justice quant au rôle et aux travaux du CATO.

5. Point de contact

Pour de plus amples renseignements sur le CATO, prière de communiquer avec le ministère du Procureur général de l’Ontario :

Téléphone

  • Sans frais : 1-800-518-7901
  • Toronto : 416-326-2220

Pour les personnes ayant une déficience auditive :

  • Sans frais ATS : 1-877-425-0575
  • Région de Toronto ATS : 416-326-4012

Courriel

Télécopieur

  • Télécopieur : 416-326-4007 (Renseignements généraux)
  • Télécopieur : 416-326-4015 (Avis d’une question constitutionnelle seulement)

Adresse postale

Ministère du Procureur général

McMurtry-Scott Building
720, rue Bay, 11e étage
Toronto (Ontario)
M7A 2S9